John Fogerty et Gaëlle Buswel, Zénith (Paris)

80 ans ? Vous voulez rire ?… Ce type en paraît deux fois moins ! C’est un super-John Fogerty des grands soirs qui a électrisé un Zénith conquis d’avance, ravi de retrouver toutes les sonorités de feu Creedence – 1967-1972. Ce groupe qui n’eut que 5 ans d’existence – eh oui ! – est véritablement resté dans tous les cœurs. Et cerise sur le gateau, Gaëlle Buswel était aussi à l’affiche en première partie. Blues Actu y était et vous raconte !

Éternellement vêtu d’une de ses innombrables chemises à carreaux, démarrant sur les chapeaux de roues avec Up Around the Bend, John Fogerty attaque sans temps mort, en tant que seul artiste iconique et légitime à le faire, un ébouriffant « Tribute » à Creedence Clearwater Revival. Normal : il possède tous les droits légaux du répertoire. Green River, Born on the Bayou, Lookin’ Out My Back Door, Who’ll Stop the Rain, Effigy… on revit chaque titre comme une occasion de se replonger dans une époque que nombreux ici n’ont sans doute pas connue. Il en va ainsi des légendes : CCR a, un court temps de son existence, hissé ses albums au-dessus de ceux des Beatles au classement des ventes de disques. Logique qu’au-delà du cercle – qui se réduit irrémédiablement – des fans de la première heure, leur répertoire soit à ce point devenu universel. Subliminal, même. Y compris pour la rare frange des plus jeunes présents ce soir…

Une énergie intacte

Run Through the Jungle, aux aspérités très wild – composé initialement pour dénoncer la boucherie que fut le Vietnam (toute ressemblance… etc.) – fait rugir de plaisir et crier d’approbation chaque spectateur. C’est quasiment à chaque titre qu’un guitar tech apporte une nouvelle guitare au boss, électrique (surtout), acoustique (parfois). C’est d’ailleurs avec émotion qu’il nous rappelle le retour de l’une d’entre elles après des décennies de disparition… John s’adresse à nous avec cœur et un grand sens de l’humour. Il sait, le bougre, mettre son public dans sa poche tant la sympathie et l’aura de l’homme parviennent jusqu’aux derniers rangs. C’est d’ailleurs à ce type de présence bien particulière qu’on distingue les étoiles filantes des véritables stars sachant éclairer toute leur galaxie.

John Fogerty performing on stage with a black guitar, wearing a plaid shirt and a red bandana, during a concert.
John Fogerty et son éternelle chemise à carreaux – Photo : Marc Loison

La famille – ses fils guitaristes Shane et Tyler sont sur scène, son épouse Julie est tout près, backstage – semble avoir pris une importance croissante au fil de la vie de John. Joy of My Life, délicate chanson-hommage, est une confirmation d’amour à Julie. John nous confiera placer l’amour de sa famille au-dessus de tout le reste ; un constat qui, au regard de sa carrière unique, constitue non pas une révélation, mais un acte d’amour extraordinaire envers ses très proches.

Fight Fire des Golliwogs nous ramène à la période « teenager » de John, pré-Creedence. On a l’impression d’un nouveau souffle avec cette chanson pourtant presque soixantenaire. Puis arrivent It Came Out of the Sky et Keep On Chooglin’, mais surtout Have You Ever Seen the Rain? qui avait été composé après un Woodstock très… humide. Pulsé comme un hymne, repris par une foule désormais transie, cet instant à présent figé à jamais dans les mémoires a suscité quelques beaux frissons supplémentaires.

Cotton Fields, emprunté à l’époque à Leadbelly mais traité comme un « classique » de CCR, enfonce le clou. Un son à la fois rock, country, « americana » dirions-nous aujourd’hui, qui masque mal les réminiscences « bayou » se faisant jour au détour de nombreux titres. Tous les jeunes musiciens qui entourent John avec bienveillance et talent savent par ailleurs entretenir le look des Creedence, avec moustache ou barbe, coiffure foisonnante et pattes fournies. La part de chacun est au service de chaque instant du concert. Le leader est servi à la perfection par un jeune band tonique et diablement efficace. À John de continuer à entretenir sa propre flamme, propulsant sa propre jeunesse miraculeuse d’octogénaire sur le devant de la scène…

Un musicien sur scène jouant de la guitare avec passion, vêtu d'une chemise à carreaux, devant un fond éclairé et coloré.
Photo : Marc Loison

Le set s’achève en apothéose avec Down on the Corner, The Old Man Down the Road et Fortunate Son, puis le sextet s’éclipse sous les vivats unanimes. De sages et assis chacun à leur place, l’enthousiasme des spectateurs leur a fait prendre possession de l’avant-scène et on y scande chaque refrain avec ferveur, en « fosse de fans » instantanée. Le rappel permet d’entendre Bad Moon Rising et Proud Mary, puis la version revisitée de Up Around the Bend qui nous attend dans le prochain album Legacy à paraître en août.

Deux guitaristes en performance sur scène, l'un joue une guitare électrique noire tandis que l'autre, vêtu d'une chemise à carreaux, se concentre sur son jeu.
Photo : Marc Loison

Un niveau technique intact à la guitare, de l’amour à revendre, du feeling, un groupe au top, la joie de parler à son public (de son passé musical, de sa famille, de son amour de la musique, de ses innombrables guitares…), une fougue juvénile avec un magnifique jeu de scène, des références universelles… tous les ingrédients d’un concert réussi étaient réunis. En format d’une heure quarante bien rodé et efficace, bâti avec expertise côté répertoire – auquel il aurait toutefois été judicieux d’ajouter Susie Q – voilà le genre de concert auquel on doit bien regretter de ne pas avoir assisté.

« Ce moment, c’était un bonheur ultime »

Il ne manquait plus que la belle présence de l’enjouée Gaelle Buswel en ouverture pour quatre chansons toutes personnelles en solo guitare-voix pour que toute cette soirée soit parfaite. Sa grâce, son talent naturel, son sourire, sa force, son professionnalisme nourri de nombreuses années de scène et de belles rencontres tranchent avec les premières parties « de fan » où les artistes déroulent leurs chansons à toute vitesse, fébriles, muets et paralysés par le stress.

Une chanteuse souriante, jouant de la guitare acoustique tout en chantant sur scène, avec des lumières bleues en arrière-plan.
Photo : Olivier Girard

Si Gaelle reste humble et nous confie être très honorée d’être là – comme on la comprend ! – elle assure sa partie en pro et s’offre le luxe d’un final sans guitare, avec des percussions corporelles trouvant écho dans l’ensemble du public qu’elle adore faire participer. Émouvoir et convaincre un public qui ne la connaissait pas, en ouvrant pour une de ses idoles et groupe… adorés de ses propres parents… c’est quelque chose d’absolument unique. Douée d’une technique vocale époustouflante, source immédiate d’émotion qui vous prend aux tripes et vous met en joie, Gaelle Buswel est une grande. Elle revient d’ailleurs à Paris – La Cigale – le 4 juillet pour y assurer la première partie de Robert Cray.

Une soirée qui valait plus que le détour : le voyage. Et quel voyage ! Merci, John, éternellement ! Et on laisse à Gaëlle Buswel, contactée par Cédric, conclure avec le mot de la fin …

« C’était complètement dingue : je connaissais toutes les chansons par cœur, vraiment toutes. C’est fou, parce que ce sont celles que mes parents écoutaient. Il y avait un truc très fort, très personnel. J’avais la frousse, honnêtement ! Jouer seule avant un monument comme John Fogerty, ça impressionne. Mais le public était fabuleux, et cette émotion-là, je ne peux même pas la décrire. Ce moment, c’était un bonheur ultime. Si on est artistes aujourd’hui, c’est grâce à tous ces groupes qui nous ont inspirés. C’était vraiment magique. » Gaëlle Buswel


En savoir plus sur Bluesactu.com

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

par Marc Loison

Animateur radio depuis 1983 (Sweet Home Chicago depuis 1992), chroniqueur Blues (Soul Bag depuis 2005), guitariste "lefty", Marc Loison est un passionné de Blues de longue date. Ses interviews dans l'émission sont nombreuses et variées.

Laisser un commentaire

HTML Snippets Powered By : XYZScripts.com

En savoir plus sur Bluesactu.com

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture