Justine Blue en interview « Aller à la Nouvelle-Orléans en bateau est un voyage initiatique »

En 2017, Justine Blue remportait le 1er prix « Révélation » du Tremplin Blues Sur Seine. Depuis, elle trace son chemin entre sa base montpelliéraine et les diverses scènes qui lui permettent de rencontrer son public et de délivrer ses messages. Après un EP et un premier album, des concerts aux quatre coins de France (dont les premières parties de Popa Chubby, Chris Isaak, Elliott Murphy…) et au Canada, elle est plus que jamais en quête de vérité et d’authenticité.

Justine effectue actuellement une traversée de l’Atlantique en bateau à voile pour rejoindre La Nouvelle-Orléans, réalisant ainsi son vieux rêve de découvrir cette ville mythique. Elle nous avait parlé de ses projets l’été dernier, dont celui de préparer un nouvel album. En juillet 2024, sa prestation au Théâtre de la Mer dans le cadre du festival Jazz à Sète a été enregistrée, donnant lieu à un album « Justine Blue live au Théâtre de la Mer » sorti le 24 janvier 2025 sur toutes les plateformes.

Salut Sylvie, ça va super malgré l’actu politique, je suis contente de pouvoir continuer à vivre de ma musique.

Oh oui, quelle belle année ! On a encore fait de belles scènes entre Jazz à Vienne, Jazz à Sète, de belles dates en première partie d’Elliott Murphy et de José James aussi. On a fêté la sortie de la version vinyle de mon album « True » en avril 2024. J’ai réalisé pas mal de rêves cette année, comme jouer l’album avec l’équipe au complet qui était sur l’enregistrement, soit 12 musiciennes sur scène !

Oui, Chris Isaak était là, nous faisions sa première partie avec le quintet. Quel honneur ! Et en fait, Jeff Fernandez, l’ingé son avec qui j’ai toujours enregistré avait automatiquement tout mis en boîte. Un réflexe de pro comme j’aime à dire !

C’est seulement après, en réécoutant, que je me suis dit que c’était plutôt sympa d’en faire quelque chose, comme me l’avait suggéré Jeff. Et le Théâtre de la Mer est une des plus belles scènes de France qu’il faut savoir garder en bon souvenir ! Donc je me suis dit : « Ce n’est pas tous les ans qu’on joue là-bas, sortons l’album live ! »

Oui, on voulait surtout être à la hauteur du théâtre, être vraiment en forme pour être le plus à l’aise possible. Pour créer un moment inoubliable et surtout que le public de Chris Isaak passe une super première partie avec nous ! Je ne pensais pas qu’il écouterait nécessairement, c’est rarement ce que font les artistes en tête d’affiche. Mais lui est venu nous voir en balances, quelle chance ! Il m’a ensuite écrit sur un petit papier (pour économiser sa voix – étant en grosse tournée loin de chez lui) : « I love your voice singing ».

J’ai complètement halluciné. J’étais déjà aux anges de préparer le concert dans un si beau lieu face à la mer, alors là, je planais ! Surtout qu’ensuite, il est venu me proposer de venir chanter un titre avec lui sur scène à la fin de son concert.

Justine Blue sur scène avec Chris Isaak

On a joué seulement 40 minutes en première partie, donc j’ai dû faire un bon tri des morceaux. J’ai fait ensuite valider ma setlist par l’équipe pour qu’ils soient super prêts à jouer. On a mis les titres les moins jazzy, je dirais… et que des morceaux « fait-maison ».

J’aime beaucoup jouer « Gold in our hands » que le public aime toujours particulièrement. Aussi, j’aime bien jouer « True » que j’entends ensuite siffler dans les couloirs ou à la sortie des salles.

Quand on aime le live, qu’on vit littéralement par et pour la scène, je pense qu’on se doit d’immortaliser des chansons sur scène et d’en sortir un petit aperçu.

Je suis la seule à écrire les paroles. Pour la composition, j’apporte les grilles pour la majorité des titres avec une idée claire de la section rythmique pour l’arrangement. Mais il y a toujours une ouverture à l’interprétation de chacun des musiciens. On a aussi un bon tiers de morceaux composés en groupe autour d’un rythme ou d’un esprit que j’apporte avec mes lyrics. Pour les chœurs et les soufflants, tout est écrit par Neil Conti, le réalisateur de mes opus, ou par Toussaint Guerre, un talentueux musicien de Montpellier. Ensuite, sur scène, quand je travaille avec des musiciens remplaçants ou des choristes, j’aime faire confiance à leur interprétation.

Il y a certains membres que je connais depuis 10 ans, d’autres depuis 8 ans, et d’autres seulement depuis 2 ans. C’est le réseau fort des passionnés de jazz et de soul de Montpellier, issu des jam sessions publiques dans les bars ou privées à la maison.

Oui, j’ai étudié plusieurs années dans cette école, presque six années non consécutives, je crois. Le réseau des musiciens commence aussi ici, bien sûr. C’est une chouette école ! Si tu es sur Montpellier et que tu aimes le jazz, c’est incontournable. Je suis aussi les cours de Berklee en ligne.

Je suis arrivée à Montpellier après le bac sans ambition musicale, mais au fil de mes études, je m’y suis intéressée et j’ai décidé d’en faire mon métier. Adolescente, je chantais chaque soir en traduisant des chansons. À la fac, j’ai rejoint un groupe qui reprenait les Rolling Stones, les Beatles, etc. Mais les mecs voulaient mettre des perruques pour s’éclater, alors que moi, je prenais ça très au sérieux ! Plus tard, j’ai rencontré des musiciens à Montpellier et Avignon, dont Alexis, un guitariste fan de jazz, avec qui j’ai beaucoup appris avant qu’il ne décède trois ans plus tard. Sa disparition m’a profondément marquée.

J’ai aussi joué avec un bluesman de Montpellier et un bassiste, Mat. Notre trio était original, mais son addiction à l’alcool a détruit nos liens. Il restera un mentor, mais je vole de mes propres ailes depuis dix ans.

Parallèlement, j’ai suivi un cursus en biologie, avec un master en microbiologie-biotechnologie. Cependant, le travail en labo ne me correspondait pas, en contradiction avec mes valeurs écologiques.

J’ai ensuite entamé un master en Histoire des Sciences, tout en multipliant les jams et concerts. Jouer ou chanter plusieurs heures par jour était naturel pour moi. Après le décès de ma mère, j’ai abandonné ce diplôme pour me consacrer entièrement à la musique, d’abord avec un harmoniciste, en reprenant du blues et du jazz, avant de composer mes propres morceaux. Quand on perd un repère essentiel, on cherche du sens, et la musique est devenue le mien.

Dès le début, j’ai écouté des artistes mainstream d’influence blues et jazz, comme Norah Jones et Ben Harper. Puis j’ai plongé dans le jazz vocal (Ella Fitzgerald, Billie Holiday, Sarah Vaughan) et le blues ancien (Lead Belly, Sonny Boy Williamson, Elmore James, Rory Block, Sue Foley, Stevie Ray Vaughan…). J’ai aussi beaucoup écouté des petites formations jazz, du bebop, et des figures de la soul comme Bill Withers, les Neville Brothers, Al Green ou Sam Cooke. Avec ces influences afro-américaines, j’aime pourtant de plus en plus chanter en français et en espagnol.

Cela fait cinq ans qu’on voyage régulièrement à la voile avec Enzo (mon copain, guitariste sur mon album True). Son rêve était de traverser l’Atlantique avec son bateau, un modèle ayant participé à la Whitbread en 1989, donc taillé pour la course. Mon rêve, à moi, était d’aller à La Nouvelle-Orléans !

Je suis passée par New York l’année dernière pour faire des jam sessions dans les clubs de jazz, et cette fois, nous irons à La Nouvelle-Orléans pour rencontrer du monde et jouer dans la rue, comme le veut la tradition. En y allant en bateau, on emprunte exactement le trajet du commerce triangulaire : un voyage initiatique, sûrement…

En tant qu’Européenne blanche privilégiée, je ne me suis pas toujours sentie à l’aise en chantant du blues de Bessie Smith. Mais sur scène, j’oubliais tout ! Et grâce au public et aux échanges sur les réseaux, j’ai compris que le blues résonne aussi ici, en France, et qu’il peut apporter de l’espoir. Ce voyage est puissant pour moi. Il est source d’inspiration, loin des écrans, au contact de nouveaux sons, visages et odeurs. J’écris mon prochain album et je prends aussi le temps de préparer ma tournée 2025-2026.

L’album live de Justine Blue est disponible sur toutes les plateformes

Mon meilleur souvenir ? La sortie de mon vinyle, en big band (12 musiciens sur scène) ! Mais aussi cet été 2024, quand Chris Isaak m’a invitée à chanter avec lui devant un Théâtre de la Mer plein à craquer !
Le pire ? Quand ton micro n’a plus de pile et que la valise avec les rechanges est à des kilomètres…

En premier, je dirais le Tedeschi Trucks Band ! Sinon, Kaz Hawkins, Nina Attal, Eddy Mitchell tiens, The Three Souls, ou encore M ! J’en oublie sûrement.

Oui ! Quelques concerts dans le sud, et surtout le 17 mai en première partie de Will Barber.

Ecoutez l’album « Live au Théâtre de la mer » sur Spotify


En savoir plus sur Bluesactu.com

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Laisser un commentaire

HTML Snippets Powered By : XYZScripts.com

En savoir plus sur Bluesactu.com

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture