Michel Rolland « Le blues est un état d’esprit, une façon de vivre … »
Pari réussi pour le directeur du Cognac Blues Passions
C’est sans nul doute l’un des plus gros festivals de blues en Europe … Cognac Blues Passions a fermé ses portes samedi 4 juillet sur un bilan positif : Avec plus de 24 000 spectateurs, l’équilibre financier est atteint. Belle performance lorsqu’on sait que des centaines de festivals ont dû mettre la clé sous la porte en 2015 faute de financements suffisants. Ce succès, Cognac Blues Passions le doit à sa programmation très éclectique – trop diront certains – et à des têtes d’affiches capables de drainer un public de masse bien au-delà des seuls amateurs du blues. Reste alors à conserver l’identité du festival, équilibre fragile que tente chaque année de trouver Michel Rolland, l’emblématique directeur du festival, qui nous fait son bilan de cette 22e édition.
Après une année difficile sur le plan financier en 2014, est-ce que le cru 2015 a rempli ses objectifs ?
Oui ! Avec plus de 24 000 entrées payantes, 30 000 personnes sur site et environ 50 000 festivaliers, nous sommes dans les chiffres que nous avions prévus, voire légèrement au-dessus. Cela devrait donc être une belle édition sur le plan financier. C’est encourageant pour la suite !

Michel Rolland avec Otis Clay
Sur le plan artistique, quelles ont été tes plus belles surprises ?
A mon grand regret, je n’ai pas pu écouter et voir toutes les formations car je travaille (rires). Toutefois, j’ai été sensible à l’itinérance artistique singulière de Winston McAnuff & Fixi, le son primal des Cyborgs, l’énergie de The Ting Tings, les effets vocaux d’Otis Clay, la sincérité de Manu Lanvin……
On entend ici et là des voix qui reprochent au festival de faire une trop grande place aux artistes « à la mode » … Et le blues dans tout ça ?
Que toutes les personnes qui pensent cela aient le courage de poser la question à des artistes comme Otis Clay, Shakura S’Aida, Selwyn Birchwood, Ilene Barnes, Manu Lanvin, Fiona Boyes, Nathan James, Nico Wayne Toussaint, They Call Me Rico, Thomas Ford et tous les autres qu’ils ne sont pas des artistes de blues ! C’est un faux procès, certains prennent, de façon isolée, certains noms pour dire qu’on s’est éloignés du blues mais ne regardent pas la programmation dans son intégralité. Ils devraient, car la plupart des artistes du festival sont bien des artistes de blues. En tous cas, lorsque je discute avec les artistes invités, ils sont tous unanimes sur la qualité du projet artistique, sa couleur et tous souhaitent revenir. Aujourd’hui, plus qu’un style de musique, le blues – que j’adore – est un état d’esprit, une façon de vivre … La plupart des têtes d’affiches que nous programmons à Cognac ont un rapport avec le blues. On fait le pari de l’ouverture artistique car ça nous permet de toucher un nouveau public qui, au passage, viendra découvrir des artistes de blues vers lesquels ils ne seraient pas allés sinon.
On a vu un énigmatique « Cognac dans les étoiles » s’afficher sur les écrans géants du festival ? Un changement de nom est dans les tuyaux ?
Je me pose sans cesse des questions sur l’avenir lointain du festival. Mon regard se pose non pas pour 2016 mais pour les 10 ans à venir. J’essaye d’être audacieux, de remettre en permanence en question le concept du festival afin d’être créatif et de garder une capacité à surprendre le public. C’est l’intérêt de notre métier !
Pour cela, je réfléchis sans limite ni contrainte, alors changer de nom pourquoi pas ! L’image que nous avons diffusée sur les écrans, c’était juste pour éveiller les sens, titiller les émotions des festivaliers et recueillir leurs impressions. Nous verrons après analyse des réactions quelle décision nous prendrons.
2015 a été une année noire pour les festivals de France avec plus d’une centaine d’annulations. Le modèle économique des festivals est-il remis en cause ?
A Cognac, nous avons 87% d’autofinancement. C’est un modèle fragile mais rassurant car nous ne sommes pas complètement dépendants des pouvoirs publics. Les subventions restent nécessaires mais nous avons l’obligation de tenir compte du contexte actuel et des difficultés budgétaires des collectivités. C’est aussi pour cela qu’il est impératif de se remettre en question, d’anticiper l’avenir. Nous ne sommes plus dans les années 80 où l’argent dans la culture coulait à flot.
Le prix Cognac Passions de la révélation française a été remporté cette année par Manu Lanvin, le blues « made in France » a de l’avenir ?
Il y a, en France, d’excellentes formations blues, soul, gospel mais ce n’est pas, à mon grand regret, avec celles-ci que je peux vendre 7 000 billets par soir. Cela n’a rien à voir avec le talent, c’est une réalité. Malgré cela, j’essaie toujours de les mettre en valeur dans le cadre de la programmation. Je suis heureux que le prix ait été remis à Manu Lanvin qui a fait un malheur le dernier soir sur la grande scène !

Manu Lanvin sur la grand scène de Cognac
Ton rêve le plus fou pour le festival ?
Une ville totalement aux couleurs du blues et ce tout l’été, pas seulement pendant le festival. Mais aussi la concrétisation d’un projet intitulé, « Cognac, Un musée à ciel ouvert » où l’ensemble du mobilier urbain serait remplacé par des œuvres d’art interactive en lien avec l’histoire du festival. Et puisqu’on parle de rêves, j’aimerais, avant de passer la main, pouvoir présenter des artistes comme Stevie Wonder, Prince, Tom Waits, Santana, Leonard Cohen, David Gilmour, Al Green, Aretha Franklin, Tina Turner … j’y travaille !
Le site du festival : http://www.bluespassions.com
Propos recueillis par Cédric VERNET
BRAVO !!! Tu sais, comme chaque année, on a des humeurs… puis on repart content !!!!
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