
Trois ans après son dernier album de compositions originales, Van Morrison revient avec Remembering Now, un disque qui se démarque avec les répertoires de reprises qu’il avait explorés dans ces précédentes productions. Ces quelques dernières années avaient été également marquées par des prises de position virulentes et des albums protestataires parfois brouillons. Ici, le barde de Belfast revient à l’essentiel. Et cela s’entend. À 78 ans, l’artiste nord-irlandais retrouve une inspiration profonde, dans un album où soul, jazz, folk et blues s’enlacent avec délicatesse.
La voix de l’âge
Dès les premières notes de Down to Joy, on retrouve cette voix rauque et magnétique, signature de Morrison. Elle a vieilli mais n’a rien perdu de sa densité ni de sa chaleur. Elle ne cherche plus l’effet, mais touche plus directement. À ses côtés, un groupe aguerri : Richard Dunn à l’orgue Hammond, Stuart McIlroy au piano, Pete Hurley à la basse, et Colin Griffin à la batterie. Ces musiciens l’accompagnent fidèlement depuis Three Chords and the Truth (2019), et forment une base solide sur laquelle Van peut pleinement s’appuyer.

L’album déploie une palette sonore familière – on reste en terrain connu – mais toujours raffinée. Les arrangements sont chaleureux, et les orchestrations de cordes, dirigées par Fiachra Trench (collaborateur historique de Avalon Sunset en 1989), ajoutent une touche orchestrale élégante sans jamais alourdir les compositions. L’ensemble est conçu pour mettre la voix en avant, mais surtout pour laisser la musique respirer, ce que Van Morrison maîtrise mieux que quiconque.
Un album de mémoire
Remembering Now, c’est un album de mémoire. Mais pas une nostalgie passive : une mémoire vive, enracinée. Le thème de la ville natale revient souvent. Stomping Ground évoque les rues de son enfance à Belfast, avec cette ambivalence douce-amère qui traverse tout l’album. Même When the Rains Came semble dialoguer avec Brown Eyed Girl, dont elle réinterprète certaines lignes, comme si Van Morrison tissait ici un fil avec son passé, sans jamais tomber dans l’auto-hommage.

If It Wasn’t for Ray, hommage délicat à Ray Charles, enchaîne les clins d’œil à la musique soul. Back to Writing Love Songs – malgré son titre qui pourrait faire sourire – rappelle le génie mélodique du Van des années 70. Mais c’est dans Stomping Ground et surtout dans la chanson-titre Remembering Now que l’album prend toute sa profondeur. Poignante, sobre, elle médite sur l’instant qui devient souvenir : “I’m remembering now / before it’s gone again.” (Je me souviens maintenant / avant que ça ne disparaisse à nouveau). Portée par quelques accords de piano, des cordes subtiles et un souffle de saxophone, la chanson nous arrête. C’est sans doute le moment le plus bouleversant du disque. Et puis il y a ce final, Stretching Out, qui porte bien son nom : près de neuf minutes, un crescendo feutré, où la musique se déploie comme un long souffle, méditatif qu’on ne voudrait pas voir s’arrêter. Ce morceau sonne comme un adieu. Mais on chasse cette idée et on espère que ce n’est évidemment qu’un au revoir.
Certes, tout n’est pas parfait. L’album n’est pas exempt de quelques longueurs. Certains morceaux flirtent avec l’auto-répétition. Van Morrison n’a jamais été l’artiste le plus adepte du formatage pour les radios FM. Alors, encore, il prend son temps. Dans cette époque saturée de stimulations, ce ralentissement a finalement quelque chose de salutaire.
Remembering Now n’est pas un disque révolutionnaire. Ce n’est pas Days Like This, ni Moondance. Mais c’est un disque profondément honnête, cohérent, habité. C’est Van Morrison qui, après tant d’errances, se souvient. De lui, de ses racines, de ce qui compte. Et il nous le murmure, sans colère, sans bruit. Tout simplement.
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