Nico Wayne Toussaint« J’ai aimé le blues d’abord en tant que fan de guitare »

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Après 12 albums et des concerts dans le monde entier, Nico Wayne Toussaint revient là où on ne l’attendait pas, avec un album de blues solo où il troque – presque ! – l’harmonica pour la guitare. « Burning Light » est un disque à l’atmosphère authentique et dépouillée, un hommage à tous les bluesmen, aux pères fondateurs, que Nico Wayne Toussaint a tant aimés et parfois rencontrés au cours de sa carrière. Une guitare en main, l’harmoniciste se lance un tout nouveau défi…

Nico Wayne Toussaint, ces dernières années tu étais plutôt discret sur la scène blues. Est-ce que tu avais besoin de prendre du recul, de vivre autrement qu’à travers le rythme effréné des tournées ?

C’est vrai que depuis l’album hommage à James Cotton en 2017, je n’avais pas sorti de disque mais j’ai toujours continué de tourner, dès que les concerts ont été rouverts. Je n’ai pas été actif côté discographie car j’ai aussi une nouvelle activité professionnelle quotidienne qui est d’être professeur de Français. C’est ce qui explique que j’ai été moins disponible pour des tournées ou de longues absences.

Ton album « Burning Light » ouvre sur un titre en hommage à John Campbell. Tu avais un rapport particulier avec cet artiste ?

John Campbell occupe une place particulière dans mon esprit mais je ne l’ai jamais rencontré. En fait, je l’ai découvert de façon fortuite, chez un disquaire en 1993. Je devais aller voir Eddie C. Campbell dans un festival mais j’ignorais à quoi il ressemblait, nous n’avions pas internet à l’époque ! Je suis allé voir le disquaire en bas de chez moi et je lui ai demandé s’il avait un bluesman qui s’appelait Campbell et il m’a tendu un disque de … John Campbell. Au départ, j’étais un peu déçu car je m’attendais à du Chicago Blues mais lorsque je suis revenu dessus quelques années plus tard, je suis tombé vraiment fan de cet artiste. Quand j’ai commencé à jouer de la guitare, ce sont ses riffs qui sont venus sous mes doigts. 

Ce titre « Burning light », c’est pour garder la flamme du blues toujours allumée ?

C’est vrai que je suis un grand fan de cette musique. Si je suis rentré dans le monde du blues et de la scène en tant qu’harmoniciste, ce sont les sonorités de ces guitares, tant électriques qu’acoustiques, tant en son clair qu’en son saturé, qui occupent une place importante dans ma tête. J’ai le cerveau hanté par les solos d’Albert King ou Albert Collins, par les ambiances lancinantes de Lightnin’ Hopkins ou par les climats hypnotiques de John Lee Hooker. Je suis un fou d’harmonica mais j’ai aimé le blues d’abord en tant que fan de guitare. « Burning Light », c’est effectivement cette flamme qui brûle en moi et qui alimente un feu permanent autour du blues.

Photo de l'album de Nico Wayne Toussaint

Ce sont des compositions personnelles mais toutes ne sont pas nouvelles car tu as réinterprété 7 chansons issues de précédents albums. Le choix n’a pas dû être facile !

Les chansons que je reprends sur ce disque, je les avais d’abord composées à la guitare. Mais à l’époque, en tant que piètre guitariste je n’arrivais même pas à jouer une grille complète ! Alors, je livrais cette matière brute à mes musiciens en leur disant « Voilà ce que j’essaye de faire ». Quand est arrivé le confinement, comme je ne pouvais pas voir mes copains, j’ai repris la guitare pour tenter de me réapproprier mes chansons à ma façon, avec toutes mes fragilités, toutes mes faiblesses, mais en les jouant moi ! C’est donc un album très personnel puisque je m’y expose en totalité.

Dans le livret du disque tu rends un hommage appuyé à quatre guitaristes que tu cites comme étant les meilleurs et que tu dis avoir observés pendant près de 30 ans : Michel Foizon, Rax Lacour, Florian Royo et Luc Guérin. Un mot sur eux ?

Je leur dois beaucoup ! Année après année, concert après concert, on apprend vraiment à connaître l’autre. On sait quelles vont être ses phrases, ses idées. Les personnes avec lesquelles je jouais m‘inspiraient les chansons que j’allais enregistrer. Les albums « Transgender » et « Southern Wind » ont été composés à la mesure du guitariste qu’est Rax Lacour. J’ai écrit les titres en pensant à lui et à sa manière de jouer, afin d’utiliser au mieux ses capacités. C’est la même chose avec Florian Royo et l’album « Lonely Number » enregistré au Canada. Ce disque est ce qu’il est car c’était Florian à la guitare. J’ai cette même relation avec Michel Foizon en duo ou avec Luc Guérin. J’ai vraiment construit mon histoire musicale avec eux depuis la première fois où j’ai joué devant un public à Pau en 1992. Quand je me suis retrouvé tout seul à la guitare, j’ai dû faire appel à tous ces souvenirs pour essayer de faire quelque chose.

Tu conclus cet hommage par cette phrase « And now I do my thing ». Est-ce que tu avais une certaine forme de complexe de ne pas être guitariste ?

En toute honnêteté … oui ! Ou en tout cas une certaine frustration. Mais au fond, j’ai toujours la chance de jouer avec des musiciens qui me portent et qui m’apportent. Je ne joue pas avec mes musiciens par défaut, je joue avec eux par chance car ce sont parmi les meilleurs. Ce disque n’est pas une revanche, j’avais juste envie de montrer une nouvelle facette de moi, sous un autre angle qui est celui de la guitare.

Ce changement d’instrument, de l’harmonica à la guitare, c’était aussi une envie de surprendre ?

Oui c’était une envie de surprendre, mais avant tout de me surprendre. Au fur et à mesure des années, j’ai toujours cherché à me réinventer, à me prouver que je pouvais toujours repartir. Mais indépendamment de me le prouver, je cherche surtout à me reconnecter avec la fraîcheur des émotions des premières fois. Quand on prend de l’âge, les premières fois deviennent plus rares. Or j’aime beaucoup l’adrénaline et l’émerveillement que ça provoque ! J’adore me réinventer, me dépasser, réapprendre. J’aime les sensations que ça provoque.

Visuel de Blues Magazine avec l'interview de Nico Wayne Toussaint

Cette interview a été publiée dans le numéro 106 de Blues Magazine en septembre 2022

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