NICO WAYNE TOUSSAINT “Où qu’on soit, on fait le show !”

Nico Wayne Toussaint est un homme comblé. Partageant sa vie entre la France et les États-Unis, il a su s’imposer dans le monde comme l’un des harmonicistes de blues les plus brillants de sa génération. Après 9 albums, 13 ans de fidélité avec son label Dixiefrog et de nombreuses collaborations, ce showman incroyable peut se réjouir d’avoir déjà partagé la scène avec la plupart de ses idoles. Avec “Lonely Number”, son dernier album, Nico Wayne Toussaint revient en force vers un blues rugueux, parfois poisseux, aux couleurs rock et aux saveurs louisianaises. A ses côtés, quelques pointures du blues viennent lui prêter main forte parmi lesquels l’immense Rod Piazza… Rencontre.

Le Blues Café :  « Lonely Number », ton nouvel album est un retour à un blues groovy plongé dans le blues de Chicago avec des reprises, des compositions personnelles et beaucoup d’invités…

Nico Wayne Toussaint : Oui, il y a une grande majorité de compositions sur cet album mais, à la différence des autres, c’est la première fois que je chante des chansons qui sont écrites pour moi, notamment « Time to Party », écrite entièrement par Nicky Estor ou « I Love you Thru and Thru ». Nicky Estor a également fait deux musiques sur des textes du bassiste Kevin Mark. C’est la première fois que je faisais des chansons qui n’étaient pas les miennes et qui n’étaient pas non plus des reprises. C’étaient des chansons faites pour l’album, faites pour moi.

Mais est-ce que tu aimes être dans ce rôle d’interprète alors que tu avais plutôt pour habitude de réaliser tes albums de A jusqu’à Z ?

C’est l’expérience que j’avais jusqu’à maintenant de faire la production financière, artistique et tout le reste. Cette fois-ci, c’est un disque qui a été produit artistiquement et financièrement par Nicky Estor et le label Iguane Records de Montréal. C’est vrai que, d’un seul coup, c’est une expérience différente car je ne suis plus en charge de tout. Il y a des choses qui m’échappent un peu, mais c’est une expérience vraiment très intéressante.

C’est un travail d’équipe finalement. Nico, il faut rappeler que Nicky Estor est d’origine française mais habite au Québec…

Oui, c’est également Nicky qui était avec le groupe Mudzilla avec qui j’avais enregistré le live à Tournon d’Agenais. Nicky était à la batterie. On a fait deux ans de tournées ensemble, on est allé en Macédoine, aux Etats-Unis, à Montréal. C’est vrai que ce disque-là ne tombe pas par hasard. On avait une belle histoire d’amitié, de musique. On a vécu des aventures ensemble. Pour moi, c’est magnifique de voir le boomerang revenir dans ce sens-là. Tout d’un coup, quelqu’un m’appelle pour me dire qu’il aimerait qu’on fasse un disque ensemble et qu’il met les moyens pour le faire ! C’était un super cadeau.

Ce n’est pas la première fois que tu joues le jeu des relations transatlantiques, on se souvient d’un double album, intitulé justement « Transatlantic », dans lequel il y avait un album enregistré en France avec des musiciens français et un album enregistré sur des scènes américaines. Rappelons que tu habites la moitié du temps en Floride, ça doit favoriser les échanges ?

Bien sûr. J’ai rencontré Rod Piazza ainsi à Los Angeles où j’ai vécu pendant plusieurs mois. J’ai pu l’approcher, jouer avec lui dans un club. On a bu un coup ensemble, il m’a donné son numéro de téléphone, on s’est revus… Voilà le type de liens qui se créent et qui ont permis, par exemple, qu’on fasse le concert de Rod avec son groupe à Tournon d’Agenais en mai dernier la veille de mon départ à Montréal pour enregistrer le disque. Il y a eu vraiment de beaux échanges. La rencontre avec Guy Davis était complètement fortuite, c’était incroyable. J’ai dit à son manager que j’allais enregistrer à Montréal, il m’a dit qu’ils étaient à New-York et m’a proposé de prendre Guy sur mon disque ! Je ne le connaissais pas. Il y avait un titre que j’envisageais en acoustique, je me suis dit que ce serait incroyable s’il acceptait de chanter et pas seulement de jouer de la guitare. Et c’est ce qui s’est produit pour la chanson « How Long to Heal ». Il y a eu vraiment des moments incroyables, aussi avec Monster Mike Welch, avec qui j’avais déjà travaillé ou J.P. Soars, le gagnant 2009 de l’International Blues Challenge de Memphis.

Parlons-en justement de ce titre « How Long to Heal », une de tes compos. Il y a beaucoup d’émotion dans ce titre-là …

Oui car c’est une histoire complètement vécu … c’est mon histoire.

On te retrouve complètement sur ce titre alors que tu dis souvent de cet album que ce n’est pas ton album le plus personnel …

Oui, c’est un peu difficile à dire… Disons que quand Nicky m’a proposé de faire l’album, il m’a demandé ce que j’avais à enregistrer. J’avais déjà quelques morceaux maquettés ou dont j’avais pensé les idées chez moi. Je lui ai envoyé et il a fait un tri assez drastique. Il a refusé 2 ou 3 chansons, même plus, en disant qu’elles ne collaient pas avec l’esprit. J’ai trouvé que ça avait beaucoup aidé à cadrer l’album dans une couleur définie. Souvent mon problème – si ça en est un, disons plutôt ma personnalité – c’est d’avoir une palette musicale assez riche et les vrais fans de blues peuvent s’y perdre un peu. Nicky m’a aidé à recaler le contenu de l’album, parfois en écrivant ou en faisant écrire des chansons qui pouvaient compléter les carences que je pouvais avoir dans l’écriture. Je n’avais pas de swing par exemple. Il m’a dit « Moi j’ai un swing, Time to Party, je te l’envoie et tu me dis ce que tu en penses ! ». C’est comme ça qu’on a travaillé. C’est un peu pour ça qu’il y a des morceaux qui sont hyper forts et personnels pour moi et en même temps des morceaux où je deviens simplement interprète, mais c’est intéressant aussi.

A chacun de tes albums, tu t’entoures de nouveaux invités, de nouvelles personnalités. C’est aussi ce qui fait que chaque album sonne différemment de celui d’avant ?

J’essaye de faire de mon handicap un luxe, c’est-à-dire que je ne joue pas de guitare. Dans le style de musique que je joue, le guitariste va donner énormément la direction sonore du disque. Souvent, je compose des chansons ou je pense à un album en fonction des gens qui vont jouer les titres. Une des questions que Nicky m’a tout de suite posée c’est « Qui est-ce que tu veux comme musiciens sur l’album ? ». Il venait d’enregistrer l’album « Nicky and friends » avec Florian, avec qui j’avais bossé au préalable. C’est un guitariste monstrueux, inimitable dans ce registre de blues Chicago, Texan, ce mélange entre Otis Rush et Jimmy Vaughan. Ce n’est pas forcément ce qui servait mes disques précédents et j’étais très content de bosser avec Michel Foizon, Sam Tchang ou Rax Lacour sur le disque d’avant. Mais quand on parle de vrai blues, Flo était la personne ! Il avait un parcours qui l’avait mis dans l’ombre les deux dernières années mais Nicky l’ayant remis sur son album et moi ayant entendu ce qu’il avait joué, je me suis dit qu’il était encore en forme à 100% ! C’est d’ailleurs un peu la catastrophe du blues, c’est qu’on est toujours obligé de montrer qu’on peut en jouer ! Quand j’ai sorti mon album en français, beaucoup de festivals de blues m’ont tourné le dos en disant que je ne faisais plus du blues. Il faut enlever les œillères et laisser parler le cœur et les sensations plus que la théorie et le papier. Ce n’est pas forcément la forme qui fait le blues. On a vu des tas d’éditions du Chicago Blues Festival où des authentiques bluesmen noirs américains pouvaient jouer un blues froid et dénué de tout feeling. Ce n’est pas la forme qu’il faut regarder, c’est le fond et l’expression. Sinon on passe à côté de certaines formes d’émotion et d’expression qui méritent d’être entendues plus qu’elles ne le sont parfois.

En dehors de ton métier de chanteur, tu organises également des voyages aux USA, le prochain aura lieu au mois d’avril. C’est l’occasion de partir avec Nico Wayne comme guide dans les bas-fonds du blues ?

Oui, c’est organisé avec l’association Blues Station à Tournon d’Agenais. Il y a quelques années, on a commencé à organiser un premier voyage. Moi je vais aux États-Unis tout le temps. Quand on va à Chicago, il y a 3 ou 4 clubs de blues qui sont incontournables mais en fait il y en a beaucoup plus que ça. Au fur et à mesure de mes voyages, je connais tout un tas d’endroits où le blues passe en semaine, où on peut voir des artistes pas forcément connus, parfois des artistes locaux, mais qui sont plus blues que les artistes qu’on peut voir dans des clubs où le show est calibré pour les touristes. J’ai vu des tas de situations incroyables dans ces endroits … tu es là au comptoir et c’est Phil Guy (ndlr : le frère de Buddy Guy, une légende du blues) qui vient s’asseoir à côté de toi avec sa femme car il va jouer avec Billy Branch qui joue là au même endroit tous les lundis depuis 20 ans ! Tu as tous les voisins qui viennent boire un coup, qui montent sur scène, qui jouent. Ça c’est vraiment l’esprit du blues qu’on voit moins dans les clubs les plus prestigieux. C’est tous ces moments là dont j’ai été témoin que je voulais faire partager avec des gens. C’est comme ça que l’idée du voyage est née. Au début, on allait à Chicago. Ensuite, on a commencé à aller dans d’autres endroits, à Memphis, Clarksdale, en Louisiane, à San Francisco. Cette fois-ci, je les emmène en Floride que je connais bien pour qu’ils aillent voir un autre type de blues.

C’est aussi aux Etats-Unis que tu t’es taillé ce costume de showman ?

Oui sûrement. On voit là-bas tout un tas de gens dans un cadre qui n’est pas forcément prestigieux, dans des bars plus ou moins miteux où ils jouent entre les toilettes et les fléchettes ! Et malgré tous, ils arrivent sapés, avec la plume qui est assortie à la couleur des chaussettes qui reprend la couleur de la cravate et ils portent un costume 3 pièces … c’est le grand show quelque soit le jour et le lieu ! Ça a franchement été une leçon dans cet automatisme de professionnalisme. Où qu’on soit, on fait le show. Toujours donner 100%.

La scène c’est aussi l’endroit de tous les dangers. Tu aimes bien cette prise de risque ?

Oui, je suis incapable d’ailleurs de préparer un show ! On ne répète jamais. Avec le nouvel album on a répété un peu mais c’est difficile de donner 100% à une répétition. C’est juste pour voir l’articulation des morceaux. Pour moi, jouer en groupe, ça ne prend du sens que si on est en public. Si on se réunit ensemble ce n’est pas juste pour faire une jam à la maison pour se faire plaisir, ça ne me touche pas.

Nico tu habites en Floride. On t’imagine devant une maison de 300 m² au bord de la plage … tu joues aussi là-bas ?

Je prends le soleil devant des maisons de 300m² dont je n’ai pas la clé et il y en a beaucoup ! (rires). Oui je joue là bas. En 2009, je m’étais inscrit à la compétition des IBC, International Blues Challenge. Aux États-Unis, il faut d’abord gagner dans sa région pour pouvoir aller la représenter à Memphis. Donc je m’étais inscrit à la compétition locale que j’avais gagné. J’étais aller représenter la Floride à Memphis ! Je n’ai pas gagné mais d’un coup les gens se sont demandés qui était ce français qui allait les représenter. C’était vraiment rigolo. J’ai eu un super soutien du public comme des musiciens. La Floride est un endroit béni encore pour la musique car c’est très touristique, il y a beaucoup d’accès à la mer donc il y a des hôtels et des bars qui font de la musique. Ce n’est pas forcément que du blues. En Floride, il y a vraiment cette culture de la country, du Southern Rock et du blues, mais il ne faut pas être trop triste car il fait beau tout le temps et les gens ont besoin d’être divertis.

Propos recueillis le 9 février 2012 par Cédric VERNET et Francis RATEAU

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